Dossier n°1263
Le gardien du Casino
Enquête réalisée par l’agent James Edison
Une figure du Casino Magnifico
Très vite, les habitués ont compris : ce n’était pas un videur, mais un filtre. Il lisait les gestes, les hésitations, les silences. Il sentait le mensonge avant même qu’il soit formulé. Il laissait parfois passer les ombres, mais toujours en sachant ce qu’elles allaient coûter. Dante, s’il s’appelait vraiment ainsi, n’a ni passé officiel, ni présence hors du Magnifico. Certains disent qu’il dort sur place, d’autres qu’il disparaît à pied, toujours à la même heure, vers des rues sans nom. Ce sont des légendes. Ce qu’on sait, c’est qu’il est là, tous les soirs, inamovible. La seule chose qui ne change jamais.


On l’appelait Cerbère
Son surnom, Cerbère, n’est pas une image. Il ne garde pas une porte, il garde la vérité. Il surveille les gens. Il ne parle presque jamais. Il observe, il enregistre. Une fois, un client a tenté d’entrer par la cuisine. Le lendemain, son nom avait disparu de tous les registres du quartier. Dante n’avait pas bougé.
On murmure qu’il retient tout : les noms, les visages, les voix, les gestes. Le verre commandé un soir d’orage, le parfum d’un mensonge ancien, le détail qu’on pensait avoir effacé. Il ne dit rien, mais il sait. C’est sa fonction : être la mémoire silencieuse de ce qu’on tait.
Liés à jamais
Aujourd’hui encore, il est là. Même poste. Même calme. Le Casino a changé trois fois de direction, les murs ont été repeints, les lumières remplacées. Lui est resté. Peut-être qu’il ne travaille même plus, pas vraiment. Il veille. Et tant qu’il est là, le Magnifico reste plus qu’un casino : un seuil. Et lui, sa frontière.

